L'écrit en déroute ?
La brûlante actualité impose parfois d'ôter son nez rouge de bouffon électronique en cette année morose qui tarde à mourir. Le PIB part au tout-à-l'égout et le PS au tout-à-l'ego, je n'ai plus de femme où passer l'hiver, Arthur crée un nouveau spectacle et le Moniteur automobile va cesser de paraître dans l'Hexagone dès le 9 janvier prochain. Je me satisferai assez difficilement de l'économie bimensuelle de trois euros ainsi réalisée, car j'attendais l'essai détaillé des dernières nouveautés par le Moniteur aussi impatiemment que la reconnaissance de mes talents de scribouillard. Impossible d'imaginer nouveau modèle sans sa logorrhée de chiffres à la précision chirurgicale que seul un authentique acharné de technique pouvait traduire en émotion humainement communicable !
Avec ce titre semble s'achever une époque, celle des bancs d'essai à l'ancienne, tels que les avait inventés André Costa du temps où l'Auto-journal s'autoproclamait indépendant et objectif. Mais le Moniteur, ce n'était pas seulement une conscience professionnelle allant jusqu'à préciser les conditions météorologiques des essais. A son crédit, rappelons les éditoriaux sans concession de Jean-Jacques Cornaert, les contributions du regretté Paul Frère ou les hors-série "sportives des années 80". Evidemment, la tentation du recyclage des communiqués ou l'utilisation fréquente de la bouillie iconographique dont les constructeurs inondent les rédactions, n'a pas épargné le journal, mais dans un milieu réputé pourri où l'intégrité éditoriale s'arrête souvent là où commencent les intérêts des annonceurs, le Moniteur conservait pour beaucoup d'entre nous une indéniable crédibilité.
S'il faut déplorer un nouveau recul de la presse-papier, mise à mal par les supports dématérialisés, l'écrit lui aussi ne cesse de perdre du terrain. Car le Web avec son infinité de liens cliquables à l'envi, son instantanéité et sa superficialité, induit un rapport plus qu'épidermique à l'écrit et implique son immanquable appauvrissement. Les smileys téléchargeables ont remplacé le recours salutaire au Bescherelle alors que les cent mots de vocabulaire de l'internaute moyen, j'exagère à peine, ne servent qu'une expression médiocre.
Plus vite, plus grand, plus mal. Avec l'Internet triomphant, place au non-évènement permanent, aux forums décébrants, à la pipolisation à outrance. Mais comment s'étonner de la paupérisation intellectuelle à une époque où le lieu d'expression "politique" le plus couru des media n'est autre que le canapé de Michel Drucker ?