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LE BLOG DE LA JAMAIS CONTENTE.
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18 septembre 2011

L'automobile cliché.

Ford_Crown_Victoria_LX_1999_002_16ACFCC5

Les clichés ont la vie dure, mais ces images d'épinal profitent bien davantage à l’industrie du tourisme qu’à celle de l’automobile. Ainsi, les Big Three américains ont beau avoir bouleversé des décennies d’isolationnisme technique et concevoir des berlines de plus en plus proches des standards européens, notre conscience collective conditionnée au navet US continue d’entretenir l’imagerie populaire des paquebots clinquants à la technologie d'avant-guerre. Le péril Lexus aurait-il eu définitivement raison de ces références patrimoniales ? Pas tout à fait à dire vrai, car deux curiosités locales corroborent encore et toujours cette vision folklorique de LA berline américaine full-size. J’ai nommé la Ford Crown Victoria et son clone guindé, la Mercury Grand Marquis. Pour le meilleur et pour le rire, les masses non suspendues de ces deux décadentes n’en finissent plus de défier la théorie de l’évolution automobile. Seulement, la FoMoCo ne sembarrasse guère de sentimentalisme et la dernière Crown Victoria vient tout juste de tomber de chaîne. Que va-t-on lui trouver comme remplaçante sur les  photos souvenirs de New York City ?

Référencées dès 1979, Crown Victoria et Grand Marquis ne désignent encore que les exécutions chic et toc des Ford LTD et Mercury Marquis. Contre-coup de la crise pétrolière, cette génération imite les gammes hautes de GM dans la répression de l’obésité. Elle inaugure à cette fin une nouvelle plate-forme plus compacte dite Panther qu’utilisera également la baroque Lincoln Town Car. La mini-révolution du downsizing n’empêche pas le seul empattement d’avoisiner les trois mètres ni la nouvelle gamme de synthétiser à peu près tous les clichés automobiles produits par les Etats-Unis en moins d’un siècle. Oldie but goodie. De l’inamovible essieu arrière rigide aux sempiternelles suspensions mollassonnes en passant par le récurrent boîtier de direction, l’indéfectible V8 pushord et l’éculée boîte automatique 3 rapports, la fiche descriptive nous renvoie quelques décennies en arrière. Clou de ce voyage dans le temps, le châssis séparé, abracadabrant anachronisme et curiosité touristique remontant au modèle T, demeure la norme des full-size cars chez Ford et GM à l’aube des années 80. A défaut de contribuer puissamment à la lutte contre les masses non suspendues ni de juguler un poids mort pouvant flirter avec les deux tonnes, ces dessous de camionnette facilitent toutefois la réparation des petits chocs sans passer par le marbre. Ce genre d’argument, que l’on n’avait plus guère entendus en Europe depuis l’entre deux-guerres, n’a certes pas échappé aux services de police auxquels Ford dédie une version spécifique de la LTD.

91'LTD Crown Victoria

Qu’il s’agisse de la berline ou du coupé, le style, d'un ennui mortel, sacrifie aux manies rétro-kitch alors en vogue. Les finitions supérieures se signalent notamment par un revêtement en vinyle de la moitié arrière du pavillon. On a cependant échappé aux faux-compas et à la roue de secours externe. Le bien nommé wagon, quant à lui, n’échappe pas aux très folkloriques décors latéraux façon woodies en exécution haut de gamme LTD "Country Squire" ou Marquis "Colony Park". Pareils stéréotypes sur roue marqueront pour longtemps les esprits des petits occidentaux formatés dès l’enfance par le crétinisme télévisuel américain (mais c’était ça où les défilés de chars russes aux actualités soviétiques…) En effet coutumière des séries policières avec sa grande rivale, la Chevrolet Caprice, la Ford LTD Police Interceptor coursera maintes fois les bad boys dans le déhanchement des suspensions indolentes et le bourdonnement des V8 rustiques.

Et le cliché des bonnes grosses gamelles développant moins de 30 chevaux au litre ne tient pas de la fable. L’archi éculé V8 Windsor que l’on a vu aminer à peu près tout et n’importe quoi, des mythiques Shelby aux canots à moteur, n’est plus au sommet de sa forme. Les normes antipollution drastiques et la chute vertigineuse des taux de compression ont fait des ravages chez les percherons vapeur. Le moteur 5 litres standard n’en développe plus que 129 au régime languissant de 3000 rotations par minute. L’option 5,8l dont bénéficie d’office les voitures de police, plafonne quant à elle à 135 canassons. On franchit les limites du misérabilisme pour l’année-modèle 1981 lorsque, dans une tentative désespérée d’abaisser la voracité de ses paquebots, Ford propose un small-block de 4,2l pour tout juste 115 ch… SAE !

1989GrnMarquisGS

A la faveur d’une valse des étiquettes saisonnières dont les sorciers du marketing ont le secret, Ford LTD Crown Victoria et Mercury Grand Marquis deviennent les appellations génériques de la série pour l’année-modèle 1983. Le changement de badge coïncide avec l’adoption de l’injection électronique par l’unique moteur 5.0 de série, le 5.8 à carburateur double corps faisant désormais exclusivement carrière dans la police. Les 130 ch standard ne décoiffent guère la clientèle ultra-conservatrice qu’ils promènent avec force langueur. L’adoption d’un nouveau système d’injection séquentiel au millésime 86 permet cependant au 5.0 d’atteindre les 150 horse power et la vitesse hautement répréhensible de 170 km/h. Le moteur 5.8, dorénavant fort de 183 hp, emmène quant à lui les Police Interceptor à 190 km/h. Victoire !

En prélude à l’hystérie sécuritaire qui s’apprête à déferler sur l’Europe, l’ensemble des Ford nord-américaines adoptent l’airbag conducteur pour le millésime 1990, mais LTD Crown Victoria et Grand Marquis font à présent figure de monuments historiques. Les temps ont bien changé. En une décennie, la féroce concurrence asiatique aura forcé l’industrie automobile américaine à en finir avec la cristallisation technique. La quasi généralisation de la monocoque autoporteuse et la vogue naissance du bio design réservent les immenses paquebots paresseux à une clientèle de grisonnants au mieux, nostalgiques, au pire, séniles. Les débouchés salutaires que constituent encore les administrations, flottes de police et autres sociétés de taxi légitiment pourtant une nouvelle mouture sur plate-forme Panther, ne serait-ce que pour contrer l’offensive de la Chevrolet Caprice, la rivale de toujours…

Ford_Crown_Victoria_LX_1997_002_72973C18

(A SUIVRE)

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Commentaires
S
Je trouve cet article très interressant, tant il est vrai qu'il est agaçant de reconnaitre que les valeurs et codes à l'américaine que nous avons ingurgité sont de la poudre aux yeux.<br /> <br /> J'ai eu le grand plaisir de pouvoir prendre le volant d'une Crown Victoria au Canada. J'ai eu le sentiment de conduire plus qu'une auto mais un symbole aussi fort qu'une trabant ou une DS21.<br /> <br /> J'espère que suffisament de modèles seront sauvés de la casse pour que le jour ou mes moyens me le permettront je pourrais arborer fierement une LTD crown victoria ou une Grand marquis LS devant la porte de mon garage.
L
Dans un pays où roues indépendantes et pneus à carcasse radiale ont longtemps été de la science-fiction, ces automobiles avaient leur place. Quand derrière le pare-brise défile un paysage en cinémascope où les perspectives s'étirent à l'infini, quoi de mieux comme bande-son que le glougloutement soyeux d'un gros V8, fût-il aussi asthmatique que culbuté ?<br /> Juger d'une automobile à la seule aune de ses caractéristiques technique est forcément réducteur. Les constructeurs US fabriquaient ce que réclamaient leurs clients, rien de plus, des bagnoles fiables mais consommables, donc bon marché. De toutes façons, pourquoi grever le coût de fabrication d'une automobile en la dotant de trains roulants sophistiqués et de mécaniques performantes dans un pays où les autoroutes sont à 6 voies et la vitesse limitée à 55 mph ? <br /> L'américain moyen changeait de voiture tous les 2 ans mais n'acceptait pas pour autant de voir ce témoin majeur de son statut social le laisser en rade au bord de la route. Un paradoxe qu'aucun constructeur français n'a jamais compris et la vision de ces Dauphine invendues rouillant (juste un peu plus vite...) sur le port de New York ne les a pas davantage édifiés.<br /> Ces paquebots sur roues était attachant à leur manière, ils ont représenté une façon de vivre pour les générations de l'après-guerre et pour qui l'Amérique représentait un eldorado où tout était possible.<br /> Times, they are a changin' !
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