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LE BLOG DE LA JAMAIS CONTENTE.
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2 octobre 2011

Mélancolie française.

2009-08 033

La Citroën C6 est à l'image de la politique extérieur de la France. Beaucoup d'allure, du panache, de l'arrogance même, une légitimité historique certaine, mais au final, un poids international qui se réduit à peau de chagrin. Voilà une bien triste métaphore de cette nation déclinante qui n'a jamais fait le deuil de sa grandeur passée et n'a plus guère les moyens de ses prétentions. Reste tout de même une limousine en porte-à-faux d'un segment phagocyté par les allemandes, point final (?) d'une lignée génialement décalée.

La France est un pays orphelin. Orphelin de grandeur, de héros et de prestige automobile. La chute est à la mesure du traumatisme ressenti en 1940. En cette année terrible, en l'espace d'à peine six semaines, la Grande Nation, censée posséder la meilleure armée du monde, est balayée de l'échiquier diplomatique et militaire mondial. Dès 1946, pourtant, la France parvient à intégrer le Conseil de sécurité de l'ONU et se permet de claquer la porte de l'OTAN, vingt ans plus tard, mais que pèse-t-elle désormais face aux nouveaux gendarmes américains et russes ? Du reste, la vieille peur du voisin d'outre-Rhin ressurgit lors du rejet de la Communauté Européenne de Défense, en 1954, et de la réunification allemande. Le spectre de la déchéance, réelle ou fantasmée, fait depuis les beaux jours des déclinologues. En proie au doute, le peuple régicide se cherche un Père. Le cataclysme de 1940 l'avait jeté dans les bras d'un vieux maréchal réactionnaire, promu au rang de nouveau Messie par une IIIe République aux abois. Après la libération et le naufrage de la IVe, la France se trouve un guide plus respectable en la personne de de Gaulle. Son aura efface les hontes passées et permet à la Nation de recouvrer partiellement son rang. Plus proche de nous, ce vieux renard cynique de Mitterrand, hérite du sobriquet de "Tonton". Permanence d'un attachement monarchiste chez le peuple régicide ?

Pour promener ses monarques républicains, le régime a toujours ses chars de l'Etat, mais là aussi, 1940 a laissé une fêlure. Nos marques de prestige qui avaient brillé dans l'entre-deux-guerre, en compétition comme en concours d'élégance, ne s'en remettront pas. Bugatti, Delahaye, Delage, Talbot-Lago jettent tous l'éponge dans les années 50. La France d'après-guerre mise sur la production de masse. Certains journalistes ont bien voulu voir en la Peugeot 604 une "Mercedes à la française", en oubliant qu'il ne s'agit que d'un modèle de grande série assez maladroitement déguisé en limousine. Le luxe à la française qui s'accorde si bien à la haute couture et aux cosmétiques n'est plus désormais synonyme d'automobile.

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Il y a pourtant eu Citroën, constructeur certes plus proche de la ruralité profonde que de l'intelligentisa branchée, mais dont la folie créatrice enfanta une lignée de hauts-de-gamme légendaires au plus fort des Trente Glorieuses. Pour tout dire, l'emblématique DS parvint en finale de l'élection de la voiture du siècle. La presse américaine considéra la SM comme la GT la plus perfectionnée de son époque. La CX, élue voiture de l'année 1974, fut encore le Diesel le plus rapide du monde, en fin de carrière. La XM put s'ennorgueillir du titre  de grande berline la plus importée au royaume des Mercedes. La C6, en revanche, a récemment remporté la médaille d'or de la plus forte dépréciation au Royaume-Uni. Pire, la C6 a tellement bien marché qu'avec elle s'achève la dynastie des grandes Citroën. La firme aux chevrons espérait modestement en produire 20.000 en année pleine. Il aura fallu quatre ans pour atteindre ce chiffre. Autrement formulé, il vous sera difficile d'en croiser une au-delà d'un triangle parisien délimité par le jardin du Luxembourg, au sud, la place Beauveau, à l'ouest, et la place Vendôme, à l'est.

Tout semblait avoir commencé sous les meilleurs auspices lorsque la C6 fit une apparition remarquée au défilé du 14 juillet 2005. Dans un souci d'exclusivité, Citroën en réserva la primeur à Jacquot 1er et Chichi impératrice, de nombreux mois avant son arrivée en concession. Quelle allure au pied de la tribune présidentielle ! Profil de Zeppelin souligné de chrome, mobilier intérieur en demi-lune, lunette arrière concave : les designers se sont fait plaisir avec cette réinterprétation post-moderne de la CX. De la forme fuselée de son épure aux fameux phares directionnels, des portières sans encadrement de vitre à l'usine à gaz tapie sous l'immense capot baleinier, tout dans cette C6 rappelle ce futurisme mêlé de cachet vieille France qui réunit bourgeois et loubards dans les Valseuses de Bertrand Blier. Six ans après sa sortie, son altière silhouette flottant nonchalamment sur ses coussins d'huile produit toujours un certain effet, renforcé il est vrai par la rareté de l'auto. Avec deux exemplaires produits par jour, "juste pour que l'on se rappelle où se trouvent les pièces pour la monter", ironise un syndicaliste, Citroën en produit moins que Rolls-Royce des Ghost ou Bentley, des Continental.


Citroën C6

Rien d'étonnant me direz-vous. Son lancement a pris tellement de retard qu'elle était déjà quasiment dépassée à son arrivée en concession, un comble pour une marque censée se distinguer par ses innovations ! Elle a pâti de la faiblesse du budget alloué à son développement. Que d'économies trop visibles, choquantes à ce niveau de prix ! Elle pesait bien assez lourd pour ses pauvres V6 et coûtait beaucoup trop cher pour une Peugeot 407 recarrossée. Enfin, l'affreuse planche de bord, sorte de commode en saillie rehaussée d'un vilain chapeau de gendarme, est le dernier clou dans son cercueil. PSA avait beaucoup investi, voici quinze ans pour soutenir la 605 et la XM. A présent, la doctrine-maison est de ne plus dépenser un centime pour les modèles en perdition. L'infortunée 1007 a été arrêtée à mi-vie, pas la C6, maintenue en coma artificiel pour sauver les apparences. Hors évolutions imposées par les lois (mise aux normes Euro V du V6 HDI, rétros plus grands), le modèle est cliniquement mort. Même les modifications de visuels sur les brochures coûtent trop cher. Mise à mort prévue pour mai 2012 selon les fuites. Entre-temps, pour entretenir l'illusion de la nouveauté, Citroën a exposé des C6 spéciales aux adhésifs et couleurs douteuses au Mondial 2010 et à Genève 2011. Cela me fait penser à Lada France qui, faute de voir arriver du nouveau de Russie, accessoirisait à outrance ses Niva. Non seulement dépassée, la C6 est maintenant décadente. A l'image d'un régime trop souvent qualifié de République bananière ?

Décadente, oui, mais pas sans saveur. Regardez sur Flickr. Tout aussi anti-Mercedes que la CX en son temps, cette berline atypique attire les photographes. A l'image des Ford Crown Victoria de New York ou des black cabs londoniens, elle fait partie de ces autos-cliché quasiment introuvables en dehors de leur pays d'origine. Et qu'importe si les cadres français ou simples chauffeurs de taxi roulent en Mercedes comme partout ailleurs dans le monde ! La C6 a connu à son lancement un élan de curiosité international à défaut d'un succès d'estime. Pour une auto réunissant dès sa conception tous les ingrédients de son échec commercial, c'est déjà une victoire. L'émission Fifth Gear la présente dans une libre adaptation de l'attentat du Petit Clamart avec Tiff Niddle au volant. Jeremy Clarkson, qui avoue avoir aimé la folie des CX, la met en scène dans un de ses comparatifs absurdes dont Top Gear a le secret. Une BMW série 5 et une Citroën C6 sont réquisitionnées pour couvrir une course de chevaux, une caméra attachée sur le toit. But de l'expérience éminemment scientifique : prouver l'exceptionnelle stabilité de la suspension hydromatico-compliquée.

C'est frais, loufoque, excessif, à l'image d'une auto résolument "cool" que nous ne pouvons qu'inscrire sur la liste de nos déplaçoirs favoris.

Comme l'empereur Romulus Augustule ou l'ourse Cannelle, la Citroën C6 ne rentrera peut-être dans l'Histoire que parce qu'elle est la dernière de sa lignée. La ligne DS, ce gadget marketing bon à survendre des C3, C4 et C4 Picasso sauce bling-bling, ne comblera évidemment pas le retrait de Citroën du segment H1. Quant au concept Metropolis présenté à Shangai, il se pourrait bien que la montagne accouche d'une souris comme souvent chez PSA. Les membres du gouvernement ont déjà anticipé la descente en gamme à venir... sans renoncer tout de suite au confort pullman de leur C6. François "Flamby" Hollande, en visite à Sochaux, a tout de même réussi à qualifier la  DS5 de "véhicule des présidents de la République, celui du Général de Gaulle". Mille dieux, un bobospace HDI 110 ch dans la cour de l'Elysée : la France a décidément changé d'envergure internationale !

Pour le luxe, le vrai, en revanche, il nous reste encore nos Bordeaux, nos châteaux et nos sacs Vuitton à vendre aux Chinois.

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Commentaires
O
The ultimate Citroen?<br /> <br /> <br /> <br /> S'agissant en Europe de vaisseaux bien identifiés dont on se demande s'ils roulent trop vite ou volent trop bas, la mythique DS et la magistrale SM ont connu une carrière marginale aux Etats-Unis où les carnassiers Fo-Mo-Co et GM règnent sans partage sur leurs immenses terrains de chasse. <br /> <br /> <br /> <br /> Cependant, de ci, de là, une reconnaissance du génie hydropneumatique est plus marquée dans quelques villes typées "vieille Europe" de la Cote Est et Ouest (Frisco) où rouler "vieux continent" est tellement plus exotique!<br /> <br /> <br /> <br /> Elles y ont perdu en grâce et en style par la faute d'une règlementation sécuritaire où la DS a perdu ses yeux mobiles "phares sous globe", tandis que le coupé grand tourisme SM y a troqué sa "vitrine" contre un regard fixe de squale.<br /> <br /> <br /> <br /> Quelques décennies plus tard, par la grâce de quelques collectionneurs avisés et de la compétence de spécialistes locaux, une seconde carrière s'offre aux plus chuintantes de nos Citroen huppées. <br /> <br /> <br /> <br /> Quid du Ctacé 6? <br /> <br /> <br /> <br /> Las, hors préfectorale-ministérielle-présidentielle, (la C5, c'est pour les dir' cab'), point de salut! <br /> <br /> <br /> <br /> L'ultime baleine hydropneumatique avec quelques 611 unités tombées des chaînes en 2011 n'atteindra pas la bénédiction urbi et orbi. Non.<br /> <br /> <br /> <br /> Encore moins aux USA où pourtant, ses dimensions généreuses et son confort Pullman auraient pu faire florès sur le long ruban rectiligne des highways.<br /> <br /> <br /> <br /> Or, exit par la faute d'une motorisation turbinant au gasole peu en phase avec les mœurs énergétiques locales avec le 4 cylindres 2,2 Hdi de 173 ch ou un V6 PSA-Ford de 208, puis 240 ch semblant être extrait d'un locotracteur.<br /> <br /> <br /> <br /> Jeté par dessus bord du navire C6 par l'épicier PSA, ce V6 atmosphérique français PR ou "ES 9" de 215 ch a pourtant une très belle voix qu'un renfort de deux turbocompresseurs aurait consacré: 300 ch minimum!<br /> <br /> <br /> <br /> Insuffisant sans doute Outre-Rhin aux amateurs "de lourd" sur quelques portions d'Autobahnen libres, mais "suffisants" pour se mouvoir en puissance en effaçant les aspérités et les traitrises de la route.<br /> <br /> <br /> <br /> Comme de nombreuses aïeules issues des mesquineries de généralistes Félix Potin, cet authentique Pullman C6 a regardé l'Orient-Express partir sans lui.<br /> <br /> <br /> <br /> Avant le culte du monde de la collection, déjà un club d'amateurs et un forum lui sont dédiés, comme ultime pied de nez à PSA, fossoyeur de Citroen en général et de la magique suspension hydropneumatique en particulier.<br /> <br /> <br /> <br /> Oui, la "DS 6" présentée en Chine s'en dispense, point de nobles multicylindres, de même que des chevrons sur la calandre. <br /> <br /> <br /> <br /> Le style PSA fera t-il tout?
P
Les années 2000 totalement nazes (hormis quelques succès techniques de Toyota/Lexus) du point de vue automobiles, ont accouchés de 2 belles esthétiques, la C6 et la Benz CLS. <br /> <br /> <br /> <br /> La C6 240 côte moins que les C5 équivalente, pour 20000€, il y à des modèles pas trop kilométrés, pourquoi se priver du dernier délire du haut de gamme Français, plutôt que d'acheter un erzast d'Audi (la C5)?
A
Beau papier ou l'on pourrait a l'envie rajouter quelques observations comme la scandaleuse sous motorisation de la C6 a son lancement.le 6 cylindres essence comme le six cylindres diesel etaient lamentables en performances des le premier jour. Effectivement, la laideur de son mobilier de bord ,son "bois "imitation formica de table de cuisine pour hlm, desesperant, ses sieges enormes et beaucoup trop durs au dos et a l'assise bien que bien dessinés. Reste que je vais en acheter une. La derniere sans doute, une 3 litres 240 ch que la presse n'a jamais essayé. Celui la marche . la C6 accroche enfin un petit 250 en vmax sur le coyote. la suspension extraordinaire sur cette auto ne peut etre comparée avec l'hydro-vetuste qui equipe la C5 240. l'efficacité generale de la C6 240 est tout simplement bluffante et sur routes elle rappelle sans nostalgie aucune qu'elle est plus efficace et capable de moyennes routiere siderantes et sans effort face a une BMW 5 ou une Mercedes E en perditions à ce rythme et hors des autobahns . une A6 quattro peut lui etre comparée en tenue de route mais avec le confort en moins et l'habitabilité en moins. La C6 va mourir non parcequ'elle est loupée mais parceque le monde a changé. Les chinois auraient voulu la C6 en version Hermes ou Vuitton, les allemands achetent allemand. Les europeens veulent une posture pour faire semblant :suv, cross over, logos, design, roues de "20" . l'homme pressé de paul Morand va disparaitre à son tour? celui des moyennes horaires, du vol de nuit, de la jubilation technologique, de l'association du talent qu'il se donne avec l'intelligence qu'il prete a sa voiture choisie.Françoise Sagan est morte, Aujourd'hui tout cela importe peu, des lors la C6 importe peu aussi? Peut etre. Mais a quoi conserver nos chateaux ,nos auteurs, nos bonheurs, si seul compte l'apparence d'un logo sur un tas de boue suv.
P
Quand j'en vois passer une (pas souvent), je suis toujours impressionné, et en colère de voir comment Citroën n'a pas su y faire avec un bon produit.<br /> <br /> Pas d'accord avec votre assassinat du tableau de bord, sobre (surtout le volant), à cent lieues du baroquisme tapageur des allemandes. Même Audi s'y met.
L
Si j’osais, je dirais que l’analyse malheureusement très pertinente concernant la Citroën C6 pourrait, en changeant seulement quelques termes, être reprise au bénéfice de la Lancia Thésis. Plus généralement, il devrait être possible d’oser le parallèle entre l’aventure du haut de gamme Citroën et celui de Lancia depuis les années 1970. <br /> <br /> Plus précisément depuis la CX et la Gamma, soit quatre décennies de lente agonie. Autos atypiques, hauts de gamme de deux marques latines non dénuées, à l’époque encore, d’un certain prestige. L’une reprend, en les modernisant, certaines spécificités de son illustre ascendante, la géniale DS, agrémenté de quelques effets de style. L’autre, plus rare, retient de ses ancêtres une architecture mécanique peu conventionnelle, à savoir un gros 4 cylindres à plat. Traction avant, profil « fast back », et deux motorisations pour chacune : un 2.0L et un 2.4/2.5L. Certainement les plus gros 4 cylindres sur le marché à l’époque, avant la Porsche 944.<br /> <br /> Ce sont surtout les dernières descendantes de la marque originelle avant la reprise par Peugeot pour l’une, par Fiat pour l’autre.<br /> <br /> Le changement de politique imposé par les nouveaux propriétaires entraine une certaine normalisation des modèles à suivre, j’ai nommé la XM, mais surtout les conventionnelles Théma et Kappa qui ne présentent plus guère de trace des gênes d’origine, excepté un peu de cosmétique (Alcantara…). <br /> Partage obligatoire des composants chez Peugeot/Citroën d’un côté, et Fiat/Lancia de l’autre. Guère plus glorieux : le partage du peu charismatique V6 PRV pour tous les hauts de gamme, ce moteur ayant assuré un service minimum sous un nombre incalculable de capots. Même De Lorean y aura recours. Il ne devait pas être vendu cher …<br /> <br /> Enfin, derniers avatars de ces deux marques dont l’histoire est étonnamment comparable, la C6 et la Thésis. Très belles autos dans leur genre, mais arrivées bien tard diront certains, et dans lesquelles leurs constructeurs respectifs ne croient plus. D’ailleurs elles ne seront même pas déclinées en break. Analogies aussi dans la discrétion, elles ne sont visibles que dans leur pays d’origine et encore, à dose homéopathique. <br /> <br /> Corollaire, leur décote impressionnante les clouent au pilori du marché traditionnel. Pour le bonheur de quelques amateurs désargentés qui profitent de l’aubaine et achètent leur occasion « comme neuve » en connaissance de cause.<br /> <br /> Elles n’auront, selon toute vraisemblance, pas de descendance. La lignée haut de gamme de ces deux marques renommées s’éteint là, asphyxiées sous le rouleau compresseur germanique.<br /> <br /> Toujours est-il qu’à l’arrivée, c’est bien triste, elles finissent dernières, à égalité…
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