N'est pas Concorde qui veut.
Ils furent nombreux, les constructeurs automobiles à mettre en exergue la moindre petit filiation de leurs quadicycles avec le mythique oiseau blanc sans que son prestige ne rejaillisse sur des engins subsoniques bien vite oubliés du grand public !
S'il devait avoir existé un Concorde routier stricto sensu, ce serait la Lotus Europe, lancée en 1966. Comme le supersonique, l'auto résulte d'une concorde transmanche puisque moteur et boîte de vitesse viennent de France. Colin Chapman a choisi le bloc quatre cylindres tout alu de la Renault 16, porté à 78 ch. Il a même hésité à baptiser la voiture Concorde avant qu'un vote de ses employés ne désigne le nom d'Europe, tout à fait approprié pour une auto théoriquement réservée au continent. En France, la publicité ne manque pas de rappeler les origines de la mécanique et vante "une réussite franco-britannique". Pour autant, qui, parmi les non initiés, se souvient aujourd'hui de la Lotus Europe ?
En 1969, au Bourget (?), le service communication de Citroën immortalise son fleuron d'alors, la DS21 à injection électronique, avec le premier Concorde a avoir volé. Symboliquement, l'avion a abaissé son nez pour flairer la déesse de la route hissée sur ses coussins d'huile. Tout semble unir ces deux icônes des Trente Glorieuses et de la France pompido-gaullienne. Pourtant, les journalistes se plaisent à dire que la DS est à la Caravelle ce que la SM est au Concorde. Citroën n'aura guère le temps de souligner ce lien puisque la production de la SM cesse avant même le premier vol commercial du Concorde. Celui-ci ne connaîtra pas meilleure fortune puisque seulement quatorze appareils "de série" ont été assemblés entre 1975 et 1979.
L'avantage du Concorde, c'est qu'il est français pour les français et anglais pour les anglais. Ici Ernest Brian Trubshaw, premier pilote britannique à avoir volé sur Concorde, en 1969, pose devant le supersonique avec la Rover 3500 (SD1). Avec ses faux-airs de Ferrari Daytona et son cockpit futuriste, la nouvelle Rover rompt avec les clichés éculés de la berline anglaise traditionnelle. Les premières versions se passent des sempiternelles boiseries et les chromes se font discrets. Malheureusement, la seule tradition que cette voiture moderne a respecté est la fiabilité catastrophique des productions insulaires. Cela lui vaudra d'entrer très vite dans les poubelles de l'histoire. Dommage.
Concorde fait partie de ces créations humaines douées d'une âme. Tout le contraire, en somme, de la Ford Granada.
Quand on a un physique plus qu'ingrat et une notoriété proche de zéro à l'exportation, la filiation, même ténue, avec le Concorde peut servir. Ok, Bristol fut un nom prestigieux de l'aviation. Ok, le Concorde 002 fut assemblé à Filton, fief des automobiles Bristol. Cela ne rend pas plus désirable ce monstre, clone de Beta Spyder maladroitement adapté par Zagato à un châssis dont les origines se perdent dans la nuit des temps.
Pire, lorsque vous avez en plus un nom à coucher dehors, le Concorde est le dernier faire-valoir possible, même si votre produit, fabriqué en masse et techniquement basique, est l'exact antithèse de l'élitiste supersonique. Plus c'est gros et mieux ça passe, non ? Sans doute. Aux Etats-Unis, Peugeot (prononcez "Pou-geot") a également mobilisé le TGV et la 205 Turbo 16 pour vendre la 505 Turbo.
Cela n'a pas empêché le lion de quitter l'eldorado américaine sur le bout des pattes et la queue entre les jambes, en 1992.
Aucun lien entre le Concorde et la première supercar de BMW, la M1, sinon la beauté... et l'échec commercial.
Oui, la M535i a autant besoin d'un turbocompresseur que le Concorde d'une hélice, mais la BMW série 5 (E28) est au Concorde ce que le parpaing est à l'aérodynamisme.
Neufs, les deux s'adressaient aux V.I.P, sauf que l'une se rencontre plus souvent aujourd'hui dans les Z.U.P.
S'il existe un constructeur automobile à priori lié au Concorde, c'est bien Rolls-Royce. Pour les moteurs, bien sûr ! A ce détail près que la division aéronautique n'a plus rien à voir avec l'activité automobile depuis la faillite de 1971 et la partition de l'entreprise, en 1973. Par ailleurs, le conservatisme affiché par les Rolls ne cadre guère avec un avion aussi avant-gardiste que le Concorde. Il n'empêche que la clientèle visée par le supersonique avait davantage de chance de rouler en Rolls qu'en Fiat.
En 1986, Citroën édita une série ultra limitée de douze CX 25 GTI Turbo à la sellerie identique à celle du Concorde. A l'époque, la firme aux chevrons ne fit aucune publicité. Le cliché date de 2012 et immortalise le dernier exemplaire survivant, lequel est donc plus rare qu'un Concorde.
En 1996, les clients Concorde de British Airways sont accueillis en Rover 800 Sterling. Plus accueillant, certes, que le bus plat des aéroports, mais pour le prix d'un billet de Concorde, ne pouvait-on pas trouver plus valorisant qu'une vieille Honda grimée en caricature de limousine anglaise ?
Signe des temps, le Concorde d'il y a quarante ans n'a pas été remplacé. Un supersonique se justifie-t-il encore à l'heure des visioconférences et des énergies renouvelables ? La DS du XXIème siècle, quant à elle, n'est plus qu'un bobospace diésel cachant son absence d'innovation sous ses faux-chromes racoleurs et son style futilement torturé. Que restera-t-il de ce machin clinquant dans un demi-siècle ?