PPW 306R.
Non content de sauver le monde pour que nous puissions mieux jouir de la tartine qui se brise lors des matins difficiles, l'agent triple zéro aurait également préservé la fierté britannique d'une immanquable marginalisation internationale selon une thèse trop soporifique pour en faire ici la publicité. Mission accomplie vu le culte universellement rendu au beau James dont l'une des voitures a trouvé récemment preneur aux enchères pour plus de 131.000 euros.
Cette Lotus immatriculée "PPW 306R" ayant fait oeuvre publicitaire dans "l'Espion qui m'aimait" en 1977 aura marqué les Esprit. Quel trentenaire n'a pas joué avec sa reproduction en miniature par Corgi ? Tellement plus pure dans sa robe immaculée que les Turbo bodybuildées pour pretty women à instinct basique, il s'agit là de l'Esprit originelle, le type 79 en jargon d'usine. Saisissant manifeste du délire cunéiforme sévissant à l'époque, cette sculpture signée Giugiaro étonne moins par ses arêtes à vif que par la justesse de ses proportions. Aston Martin Bulldog, Giugiaro Medusa et autres Citroën Karin passeraient à côté pour d'hideux fromages de chèvres. Dévoilée en tant que maquette en 1972 (il y a déjà 36 ans !) livrée aux essuyeurs de plâtres trois ans plus tard, l'Esprit aura duré jusqu'en 2004 après qu'un habile restylage lui ait adouci les angles, en 1987. Evidemment, cette Esprit-là aurait hanté moins longtemps le catalogue Lotus et les amateurs de pur-sangs n'auraient pas attendu le V8 comme Godot si seulement Colin Chapman avait eu la santé financière de la famille Quandt (Ndrl : actionnaires historiques de BMW). Toutefois, même si en 2004, les phares rétractables trahissaient un lointain passé, les GT demeurées à la page pendant un quart de siècle ne s'en comptent pas moins sur les doigts d'une seule main.
L'Esprit aura certes moins vieilli que son navet d'écrin publicitaire qu'une bienveillante nostalgie permet de revisionner aujourd'hui sans moue désaprobatrice. Décors démesurés, méchant mégalomane, Bond girls troubles et patibulaires aux mâchoires d'acier font partie des fondamentaux du genre tandis que l'inimitable flegme de Roger Moore efface ficelles un peu grosses et effets spéciaux disons... datés. Le thème musical de 007 revisité façon disco rythme l'échappée de l'Esprit prise en chasse par un hélicoptère armé jusqu'aux dents alors qu'à travers le cockpit, la sculpturale pilote adresse un dernier sourire mortel à Bond. Par la grâce de Q, la Lotus se transforme en sous-marin de poche pour échapper à sa poursuivante.
Ironie de l'histoire, l'Esprit type 79 n'avait pas encore de châssis galvanisé. Pour une auto submersible, la précision ne manque pas de sel.