Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE BLOG DE LA JAMAIS CONTENTE.
LE BLOG DE LA JAMAIS CONTENTE.
Visiteurs
Depuis la création 141 919
13 février 2009

Etoile malgré lui.

c25

C’était un solide gaillard doué d’une solide constitution que rien ne prédisposait à jouer les stars. Elevé au fin fond de la Styrie, dans un milieu où le prestige des cheveux longs n’égalait pas tout à fait celui de la veste brandebourg, il ne rêvait que de montées au front dans l’ivresse et le sang, de charges héroïques au son du clairon, de gloire par le fer et le feu. Physique martial et grégarisme troufion le prédestinaient à embrasser le drapeau et marcher au pas. Le service militaire fut pour lui l’occasion d’affirmer d’impressionnantes capacités de franchiseurs de lignes Maginot ainsi qu’une remarquable aptitude à la survie en terrain hostile.

Très vite avisée des retombées pécuniaires qu’elle pouvait tirer d’une telle force de la nature, sa famille allemande lui refusa la vie de caserne qu’il convoitait. En tant qu’ambassadeur de choc de la qualité Mercedes, notre benêt dut porter l’étoile argentée jusque dans les contrées les plus reculées, mais tandis qu’il s’attachait bon gré mal gré à se tâche bassement promotionnelle, le réserviste de classe G, série 460, attendait ardemment de tomber en héros, sinon en compote, durant la Troisième Guerre Mondiale. Hélas pour lui, le mur de la honte entraîna dans sa chute ses plus beaux espoirs de boucherie sous la neige quand la menace d’une invasion de moujiks enragés se fit de plus en plus improbable. Qu’allait-il donc devenir ?

c25

En cette année 1989 honnie des va-t-en-guerre, les stratèges de l’étoile l’envoyèrent disputer au Range Rover les faveurs des nouveaux riches. Une mission d’affable émasculé pour notre frustré du treillis, mais le pire était encore à venir. En glissant irrémédiablement du type W460 au modèle W463, du 240 GD agricole au G500 décadent, l’ancien mulet à quatre pattes se mit en huit, dut plier ses dons manuels aux asservissements électroniques et, comble du déshonneur, troquer sa toile militaire pour le plus salace des cuirs luisants. Et pour le rendre plus sexy encore à l’heure où les Hummer de l’US Army commençaient à exciter la libido des beaufs enrichis sur toutes les chaînes de télévision, on lui administra les stéroïdes et agents dopants nécessaires à l’exhibition décomplexée de son profil parallélépipédique.

Alors qu’il s’apprêtait à conquérir le Nouveau Monde, vingt ans après une autre armure à glace autrichienne devenue depuis Governator de Californie, on l’affubla de parures clinquantes de courtisanes patentées et autres chausses taille basse d’allumeuses en chaleur. Au pays de toutes les orgies, la faune du show-biz, Pamela gonflables et consorts n’eurent bientôt d’yeux que pour ses arrêtes vives et ses plates surfaces. Une star était née. Bien malgré elle.

La dernière fois que l’ai vu, c’était aux abords d’un luxueux bézodrome à satrape, au sortir d’une de ces soirées orgiaques où les VIP excentriques viennent promener leurs chiennes en laisse et vice et versa. Alors qu’à l’abri de ses vitrages surteintés, je ne sais quels bouffons cathodiques forniquaient dans des cris de guerre peu compatibles avec l’audition respectueuse d’une marche militaire, j’ai eu pitié de lui.

c25

Pauvre petit soldat ! Les seuls bruits de botte qu’il n’ait jamais entendus proviennent des salopes en cuir claquetant du talon aiguille sur le marbre de la jet-set. Les seules musiques militaires sur lesquelles il n’ait jamais marché se limitent aux vomissures à décibel de quelques hard-rockers camés. Pis, la seule décoration qu’il n’ait jamais reçue - le prix Tuvalu pour contribution zélée au réchauffement climatique - lui a été attribuée par ses ennemis écologistes. Quelle humiliation pour un militaire que de se voir ainsi brocardé par la vermine verdissante ! Et pour faire déborder le vase, il aura eu la baise éclair au lieu de la guerre de position…

C’est alors que du coin de son œil tout rond de grosse brute hébétée, j’ai vu perler comme une larme. Une belle grosse larme qui semblait dire, du fond du cœur : « mon Dieu, que je suis malheureux ! Regardez ce qu’ils ont fait de moi ! S’il vous plaît, rendez-moi ma vie d’autrefois, j’aimerais tellement entendre à nouveau sonner le clairon, braver vaillamment la mitraille avec mes camarades et voir la couleur du sang !» Hélas, je ne le savais que trop, le malheureux mourra le cul dans la graisse, juché sur son socle de légende vivante. Alors, impuissant et résigné, j’ai passé mon chemin. Personne d’autre que moi ne l’aura vu pleurer. J’en suis encore tout retourné.

Alors, crésus, ploutocrates ou simple parvenus, au lieu d’aller étaler vos bonnes grâces télégéniques aux Restos du cœur pour vous excuser de payer vos impôts en Suisse, s’il vous plaît, commettez enfin une vraie bonne action, faites don de votre Mercedes Classe G à l’armée, à l’ONU ou à Al-Quaïda, peu importe, mais de grâce, rendez-le à la vie de caserne qu’il n’aurait jamais dû quitter !

Publicité
Commentaires
P
Nul doute que s'il était né deux siècles plus tard, Wagner eut fait apparaître le Classe G dans sa formidable “Chevauchée des Walkyries”, prélude de l'acte III de son opéra éponyme... ou alors, cher Laurent, vous le “vendez” si bien qu'on s'y croirait !<br /> <br /> Nous devisions naguère sur “la laideur qui se vendrait mal” selon Raymond Loewy et nous étions malheureusement d'accord sur le fait que finalement, elle se vendait bien.<br /> <br /> Avec le Classe G de Mercedes, rescapé de la préhistoire automobile, non seulement elle se vend bien, mais elle se vend cher !
Publicité