Le triomphe du vide.
Publicité HD - Citroën DS4 ("NON au conformisme") 2011
"Le message, c'est le médium" affirmait le ponte de la com', Herbert Marshall McLuhan. En d'autres termes, le contenant prévaut sur le contenu, tout particulièrement dans cette industrie du mensonge (ou de la contre-vérité) qu'est la publicité, nom respectable que les camelots éduqués donnent à la propagande ordinaire. C'est ainsi qu'à travers la posture anticonformiste de sa dernière campagne nationale, Citroën tente de survendre une voiture dramatiquement pauvre en idée neuve, la DS4.
Le concept ou plutôt le non-concept de la DS4 me plonge dans des abîmes de perplexité. Est-ce une berline ? Un coupé ? Un monospace ? Un SUV ? Tout et rien à la fois, elle n'est somme toute qu'une C4 haut-de-forme à glaces arrière fixes (comme la 2CV !) se donnant un vague air de coupéspace tout-chemin. En vérité, il n'y avait plus assez de clients dans le segment M1 pour faire un classique coach successeur du C4 coupé, mais pas assez de clients à perdre pour oser des configurations trop typées. Alors, à force de toucher un peu à tous les genres sans trop se mouiller, la DS4 ne prend qu'un seul risque : celui de ne satisfaire personne.
Sous le paravent d'un atypisme aussi peu spontané qu'une interview de DSK sur TF1, c'est la voiture de la synthèse molle, du consensus mou. Pire, elle se montre moins aventureuse que sa devancière puisqu'elle renonce au volant à moyen fixe et revient prudemment au tableau de bord dans l'axe du conducteur. Les technologies à la mode ne répondent que timidement à l'appel : Stop&Start uniquement sur HDI 110 et hybride encore aux abonnés absents. Malgré la sportivité racoleuse de sa décoration, sa conduite ne déroge pas à la tendance actuelle des autos aseptisées. Onctueuse comme un yaourt zéro pour cent, elle surjoue l'agressivité comme une frêle adolescente se protége derrière son tee-shirt à tête de mort.
Pour justifier le surcoût demandé par rapport à une C4 techniquement identique, Citroën compte sur un design inutilement surtravaillé et une surcharge de chromes tout aussi factices que la seconde sortie d'échappement. Cela devrait suffire à persuader nombre de métrosexuels accros à l'iPod et pour qui la DS est une Nintendo, de délaisser l'Audi A3. Non à l'Audi ! Enfin une indignation vraiment légitime et un combat qui mérite d'être mené alors que le printemps arabe vire à l'automne islamiste, que Bachar-al-Assad massacre à huis-clos et que la saignée obligatoire pousse les grecs à l'insurrection !
DS4 ou le triomphe absolu de la communication sur la technique, de la forme sur la fonction, du vide sur la substance ! Tout le contraire, finalement, de la DS 19, la vraie, dont l'avant-gardisme radical sinon suicidaire ne sacrifiait à aucune des séductions faciles dont pouvait abuser Simca avec ses Versailles à l'américaine ! A l'époque, l'ingénieur tout puissant faisait la loi à Javel. Le client délaissant la rusticité sans surprise de sa 403 pour la futurisme de la DS se risquait à devenir cobaye du fameux bureau d'étude Citroën. A vrai dire, des autos aussi extrémistes que la 2CV ou la DS 19 n'ont pu se vendre que dans le cadre d'un marché peu concurrentiel, quasiment fermé aux exportations. Impensable de revoir un jour pareilles folies sous nos latitudes ! Même Arlette Laguiller l'a reconnu, les temps, chez nous, ne sont plus révolutionnaires.
Pour ce qui reste d'emploi industriel en France, d'aucuns soutiendront qu'il vaut-il mieux faire dans le racolage facile que dans l'aventurisme technologique. Pur fruit d'une époque ultra-compétitive qui privilégie packaging, effets spéciaux et poitrines siliconées sur la raison et la matière grise, la DS4 ne dit non à rien, mais personne ne vous oblige, vous, à lui dire oui.